Charge de prévosts

 

Sergents ou prévôts féodés:

" Les seigneurs de Boisboissel, à l'exemple de plusieurs "races illustres (les "Le Sénéchal", seigneurs de Kercado, en Bretagne, les "Le Vicomte" en Normandie, les "Prévost de la Force" et les "Vigier" en "Périgord, etc. ) tiraient leur nom (Le Prévost) d'une charge inféodée et héréditaire, celle de porter l'épée de l'Evêque "sans lui laisser l'embarras de la porter", et ainsi le défendre et le protéger contre toutes les oppressions et attaques. (Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne, Dom Maurice, citées par Laîné)

A ce titre les seigneurs de Boisboissel étaient également sergents (ou servant, collecteur de redevances pour le compte de l'évêque) de l'évêque de Saint Brieuc. Mais ils prélevaient également leurs taxes pour leur compte. Cet officier "rendait aussi la justice et prélevait la huitième partie des confiscations."

Avec le temps, la charge devint féodée, c'est à dire qu'étant devenue héréditaire, les Boisboissel furent les premiers vassaux du fief canonical de Saint Brieuc. A cet effet, le seigneur-évêque avait dans sa mouvance la seigneurie "laïque" du Boisboissel (et de l'Epine-Guen en Ploufragan). Ainsi les Boisboissel seront considérés comme la famille noble la plus illustre des environs de Saint Brieuc, une des villes les plus peuplée de Bretagne au Moyen-Age.

Mais les Boisboissel étaient outre prévôts et sergents de l'évêque de Saint Brieuc, également seigneurs de leur propre fief, lequel était plus ancien que le fief canonical.


Justice patibulaire

Ce fief possédait un droit de haute justice, qui se traduit pour le seigneur par le droit de juger toutes les affaires et prononcer toutes les peines, y compris la peine capitale. Dubuisson-Aubenay en 1663 indique: "La ville (de Saint Brieuc) est bien au roy, mais l'évesque y est aussy seigneur temporel, ayant un fief sur lequel est assise la ville tout entière, excepté ce qu'il y a de subject au fief du Bois Bouexel, situé en bas sur la rivière du Gouët, et dont 2 posteaus du gibet planté entre le manoir et la ville, sur le coteau de l'Ingoguet, relèvent les deux autres de l'évesque". (La Bretagne d'après l'itinéraire de Monsieur Dubuisson-Aubenay en 1663-1667)

"Le 26 août 1395, Alain de Boisboissel fit apparoir aux Etats de Bretagne un mandement du Duc Jean IV qui l'autorisait à avoir justice patibulaire à 2 posts (poteaux) dans ses terres ou regaires de Saint Brieuc, sauf les droits de Monsieur." (Don Maurice, Mémoires pour servir à l'histoire de Bretagne loc. cit.), droit qui resta dans la famille.

Pour mémoire, la haute justice est rendue par un seigneur Haut Justicier qui a le droit de juger au civil comme au criminel et de faire exécuter par un procureur sénéchal la peine capitale (voir sénéchal). Le droit de haute justice emporte les droits de moyenne et basse justice. La moyenne justice est un droit de juridiction pour régler toutes les contestations civiles. Enfin la basse justice est un droit de juridiction pour régler toutes les actions personnelles et surtout ce qui touche les profits féodaux.

 

Sénéchal des Regaires

Un regaire était la juridiction temporelle d'un évêque ou fief épiscopal, avec un tribunal nommé par lui, franc parce que ses appellations (appels) allaient directement au Parlement. L'évêque de Saint Brieuc était seigneur spirituel et temporel de la ville. Ses juges y faisaient la police sans intervention des juges royaux.

Le seigneur de Boisboissel, en sa qualité de prévôt de l'évêque, était son premier officier dans la cour des Regaires. Sa soumission à l'évêque était constatée par une redevance consistant en "deux justes de froment et deux justes de seigle, mesure de la cour des Régaires, payable par monnoye au receveur de cette cour, au terme de Noël, au prix de l'appréciement des mangiers de cette cour avec deux sols pour chaque, et une fois les trois ans, le double du prix d'iceux froment et seigle, et le double des deux sols" (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, édition A. Prud'homme)

Il était tenu, d'après l'aveu de 1690, aussitôt que les criminels étaient condamnés à mort, de "les prendre en sa garde ou faire prendre par ses sujets, pour en répondre, les garder et les conduire au supplice et faire exécuter, après avoir fait les cris et proclamations accoustumées par les carefours de ladite ville de Saint Brieuc, sur peine de saisie de ce qu'il tient dudit seigneur évesque." (J. Lamare, histoire de la ville de Saint Brieuc - Guyon)

"De plus est tenu de fournir sergent pour appeler les causes de la dite juridiction, sçavoir, un par chacun ordinaire et deux aux jours des généraux plaids, sans que les dits sergents puissent faire autre employ de justice qu'appeler les causes de la dite juridiction et d'aller au-devant des juges du dit seigneur évesque jusqu'en leur demeurance pour leur faire faire place par les rues de la dite ville, toutes fois et quantes que les dits plaids généraux ou ordinaires tiennent, et les doivent conduire à l'audience et après icelle les reconduire en leurs maisons." (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, édition A. Prud'homme)

Ce droit de justice cependant ne cesse de reculer devant les empiètements de la justice ducale puis royale. Aussi l'application des sentences de la cour des régaires revenant au seigneur du Boisboissel, fut encore rappelée dans l'aveu de 1723 : " Lorqu'il y a aucun condamné de mort, par occision de membre, peine corporelle à effusion de sang par la cour des régaires de Saint-Brieuc, de faire prendre par ses officiers ou commis sans aucun autre moyen les condamnés, et les faire mener après la condamnation aux prisons d'iceluy seigneur de Boisbouexel, et de faire appeler et contraindre hommes et sujets de ladite ville et fauxbourgs à garder lesdits condamnés aux prisons, armés de batons de deffense, pendant le temps qu'ils seront en icelle prisons, et jusques à ce que ledit seigneur en ait fait faire exécution ". Lors des exécutions capitales, le seigneur du Boisboissel doit assurer la publicité nécessaire, sous forme de proclamations aux carrefours, et l'évêque doit fournir les instruments, qui sont essentiellement les quatre potences ou " fourches patibulaires ", qui trônent à l'entrée de la ville, en haur de la rue de Gouët, au lieu dit " la justice". (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

 

Les prétentions du seigneur de Boisboissel envers l'évêque

Avec le temps, le droit de haute justice semble avoir été remis en cause par l'évêque (l'auteur de ce site ne possède pas de renseignements à ce sujet), qui considère, il semble, le seigneur de Boisboissel comme étant juste chargé de l'appliquer, et non de l'exercer. Témoin ce texte: "L'évêque devait lutter contre les prétentions du seigneur de Boisboissel. Au nom de l'évêque, ce dernier exerce la haute justice, mais, son fief possédant seulement une moyenne justice par la suite, la tentation lui est grande de faire entrer la haute justice prévôtale dans son patrimoine. Comme la terre de Boisboissel donne droit de propriété à entre le tiers ou la moitié de la ville de Saint-Brieuc, de fréquents conflits de juridiction opposent les évêques et les sires du Boisboissel. Ils les opposent d'autant plus qu'ils prétendent être les fondateurs de la paroisse de Saint-Michel, seule paroisse de la ville" (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

Ainsi au XVème siècle, il y eut quelques différents entre les seigneurs de Boisboissel et leur évêque, ces premiers n'étant pas spontanément prêts à reconnaître l'autorité ni les droits de leur seigneur/évêque suzerain: Christophe de Penmarch fut opposé en 1479 à Jeanne du Rouvre et en 1493 à Rolland du Rouvre, seigneurs de Boisboissel, car la seigneurie de Boisboissel avait alors quitté la famille de Boisboissel. L'évêque de Saint-Brieuc avait par ailleurs à se garder des prétentions ducales et de celles du comte de Penthièvre dont les possessions entouraient les siennes, or les Boisboissel firent preuve d'une fidélité sans faille aux Penthièvre (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

 

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