Charge de prévosts et Fief

 

Sergents ou prévôts féodés:

" Les seigneurs de Boisboissel, à l'exemple de plusieurs "races illustres (les "Le Sénéchal", seigneurs de Kercado, en Bretagne, les "Le Vicomte" en Normandie, les "Prévost de la Force" et les "Vigier" en "Périgord, etc. ) tiraient leur nom (Le Prévost) d'une charge inféodée et héréditaire, celle de porter l'épée de l'Evêque "sans lui laisser l'embarras de la porter", et ainsi le défendre et le protéger contre toutes les oppressions et attaques. (Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne, Dom Maurice, citées par Laîné)

A ce titre les seigneurs de Boisboissel étaient également sergents (ou servant, collecteur de redevances pour le compte de l'évêque) de l'évêque de Saint Brieuc. Mais ils prélevaient également leurs taxes pour leur compte. Cet officier "rendait aussi la justice et prélevait la huitième partie des confiscations."

Avec le temps, la charge devint féodée, c'est à dire qu'étant devenue héréditaire, les Boisboissel furent les premiers vassaux du fief canonical de Saint Brieuc. A cet effet, le seigneur-évêque avait dans sa mouvance la seigneurie "laïque" du Boisboissel (et de l'Epine-Guen en Ploufragan). Ainsi les Boisboissel seront considérés comme la famille noble la plus illustre des environs de Saint Brieuc, une des villes les plus peuplée de Bretagne au Moyen-Age.

Mais les Boisboissel étaient outre prévôts et sergents de l'évêque de Saint Brieuc, également seigneurs de leur propre fief, lequel était plus ancien que le fief canonical.

 

L'ancienneté du fief Boisboissel

Le fief Boisboissel est fort ancien, J. Geslin de Bourgogne le cite comme antérieur à celui du Chapitre (corps des chanoines de la cathédrale) et indique son origine comme étant dans le territoire du comte breton Rigwall (voir les légendes). Ce qui explique son imbrication dans la ville de Saint Brieuc, une position assez exceptionnelle, et des privilèges importants le tout en concurrence avec les biens et privilèges de l'évêque dont le fief canonical était presque enveloppé par les possessions du Bois Boissel.

La configuration du fief de Boisboissel, entourant la mense capitulaire, confirmerait bien que le premier est préexistant au second. De plus, « la chapelle de St-Michel et le cimetière avaient été établis sur une terre du fief du Bois-Bouessel » J.-H. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy, Anciens évêchés de Bretagne, op. cit., t. i, p. 247 et t. ii, p. 244.

Selon le document nommé "Indiculus de episcoporum depositione" c'est Nominoë qui aurait institué en 849 les évêchés de Saint Brieuc et de Tréguier. Sous le prétexte d’une accusation de simonie il déposa et remplaça par des prélats à sa dévotion les évêques d’Alet, de Léon, de Quimper et de Vannes, puis aurait formé sept évêchés en érigeant trois nouveaux sièges épiscopaux : un au monastère de Dol, avec le statut d’archevêché, le deuxième au monastère de Saint-Brieuc et le dernier de même à Saint-Pabu-Tual (J. SIRMOND, « Quomodo Nomenoius.. », p. 134 et André-Yves Bourgès, In perpetuam diocesim… voir http://andreyvesbourges.blogspot.com/2010/09/in-perpetuam-diocesim-propos-dun-livre_08.html ). C'est ce monastère de Saint-Brieuc qui nous relie aux Boisboissel et à l'ancienneté de leur fief, par le rappel du proverbe briochin qui indique qu'"avant qu'à Saint Brieuc il n'y eut fumée, Boisboissel y avait moustier".

Cependant, pour ce qui concerne l'ancienneté de l'évêché de Saint Brieuc, postérieur nous l'avons vu au fief Boisboissel, les dernières études tendent à prouver que sa création ne daterait que des « premières décennies du XIème siècle ». André-Yves Bourgès, In perpetuam diocesim… voir http://andreyvesbourges.blogspot.com/2010/09/in-perpetuam-diocesim-propos-dun-livre_08.html . On peut dès lors avancer l'hypothèse que la fondation puis l'extension des regaires de Saint-Brieuc se sont faites après le XIème siècle, et que c'est à cette période que le fief initial Boisboissel, fut scindé, et qu'une partie fut donnée pour fonder le fief canonical. En échange de quoi l'évêque autorisa ou confirma l'entrée dans la ministérialité de féodaux qui pouvaient prétendre à des droits préexistants. Cette hypothèse est avancée par monsieur Bertrand Yeurc'h dont l'auteur se permet de reproduire avec liberté certains propos.

Il faut noter que ce fief ne s'appelait probablement pas Boisboissel initialement, mais qu'il porta ce nom probablement à partir du XIIIème siècle. Il n'est aussi pas impossible que ce fief soit une subdivision d'un fief ancestral encore plus grand.

Enfin, Jehanne du Rouvre soutient le 17 avril 1480, que la terre et seigneurie du Bois-Bouessel est « ancienne et grandement noble ».

 

Fief, terres, charges et revenus

Durant l'époque féodale, le fief était un domaine concédé à un vassal par son seigneur, le plus souvent en échange de services militaires. Cette pratique se développa au Moyen-Âge à la suite de l'éclatement de l'Empire carolingien. La position stratégique du fief Boisboissel, qui protège l'accès par la mer à la ville de Saint Brieuc indique, entre autre, une vocation militaire de défense de la ville, notamment contre les attaques Normandes, fréquentes entre 860 et 950. A noter cependant qu'il n'y a pas trace de possession par les Boisboissel de la tour Cesson, domaine des ducs de Penthièvre.

Le fief s'étendait des paroisses de Saint Michel, de Saint Brieuc, de Plérin, de Trégueux, de Langueux, de Cesson et de Ploufragan, le fief de Kergomar y fut annexé. Il enveloppait le fief canonical, et couvrait le territoire Est de la ville de Saint Brieuc, entre l'Urne et le Gouët. Les sires de Boisboissel possédaient également presque toute la rue du Pohel, formant comme une pénétrante dans ledit fief canonical qu'il entourait et habitaient rue Saint Père le manoir de Quicangroine. Ils avaient droit de patronage sur la seule église paroissiale de Saint Michel

Pour ce qui est des revenus, citons en autre que les Boisboissel possédaient deux fours à ban (qui concerne le moulin et le four) dans la cité épiscopale, un four à ban près du monastère (celui-là même fondé par Saint Brieuc). Le seigneur de Boisboissel exige l'utilisation de ses moulins et ses fours. En effet il perçoit par la coutume un droit de mouture au seizième du grain moulu, mais l'évêque en possède également et, en tant que seigneur supérieur ou suzerain, il ne peut contraindre à l'utilisation de son moulin que si le seigneur direct (Boisboissel) n'en possède pas: d'où de fréquents litiges. Ainsi en 1669, le Parlement de Bretagne intervient dans les conflits entre l'évêque, le chapitre et le sire de Boisboissel pour confirmer le droit des habitants de Saint Brieuc de choisir leur moulin parmi ceux des trois seigneurs. (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, edition Privat)

Au XVIIème siècle, ils font valoir des droits de coutumes anciens qui consistent en la moitié des sommes perçues sur les drapiers et de celles levées le dernier jour de mai et la première huitaine d'avril.

Enfin les privilèges seigneuriaux sont décrits dans le chapitre privilèges.

 

Justice patibulaire

Ce fief possédait un droit de haute justice, qui se traduit pour le seigneur par le droit de juger toutes les affaires et prononcer toutes les peines, y compris la peine capitale. Dubuisson-Aubenay en 1663 indique: "La ville (de Saint Brieuc) est bien au roy, mais l'évesque y est aussy seigneur temporel, ayant un fief sur lequel est assise la ville tout entière, excepté ce qu'il y a de subject au fief du Bois Bouexel, situé en bas sur la rivière du Gouët, et dont 2 posteaus du gibet planté entre le manoir et la ville, sur le coteau de l'Ingoguet, relèvent les deux autres de l'évesque". (La Bretagne d'après l'itinéraire de Monsieur Dubuisson-Aubenay en 1663-1667)

"Le 26 août 1395, Alain de Boisboissel fit apparoir aux Etats de Bretagne un mandement du Duc Jean IV qui l'autorisait à avoir justice patibulaire à 2 posts (poteaux) dans ses terres ou regaires de Saint Brieuc, sauf les droits de Monsieur." (Don Maurice, Mémoires pour servir à l'histoire de Bretagne loc. cit.), droit qui resta dans la famille.

Pour mémoire, la haute justice est rendue par un seigneur Haut Justicier qui a le droit de juger au civil comme au criminel et de faire exécuter par un procureur sénéchal la peine capitale (voir sénéchal). Le droit de haute justice emporte les droits de moyenne et basse justice. La moyenne justice est un droit de juridiction pour régler toutes les contestations civiles. Enfin la basse justice est un droit de juridiction pour régler toutes les actions personnelles et surtout ce qui touche les profits féodaux.

 

Sénéchal des Regaires

Un regaire était la juridiction temporelle d'un évêque ou fief épiscopal, avec un tribunal nommé par lui, franc parce que ses appellations (appels) allaient directement au Parlement. L'évêque de Saint Brieuc était seigneur spirituel et temporel de la ville. Ses juges y faisaient la police sans intervention des juges royaux. Voir à cet effet le site http://amisduturnegouet.free.fr/Articles/Article_0003.htm

Le seigneur de Boisboissel, en sa qualité de prévôt de l'évêque, était son premier officier dans la cour des Regaires. Sa soumission à l'évêque était constatée par une redevance consistant en "deux justes de froment et deux justes de seigle, mesure de la cour des Régaires, payable par monnoye au receveur de cette cour, au terme de Noël, au prix de l'appréciement des mangiers de cette cour avec deux sols pour chaque, et une fois les trois ans, le double du prix d'iceux froment et seigle, et le double des deux sols" (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, édition A. Prud'homme)

Il était tenu, d'après l'aveu de 1690, aussitôt que les criminels étaient condamnés à mort, de "les prendre en sa garde ou faire prendre par ses sujets, pour en répondre, les garder et les conduire au supplice et faire exécuter, après avoir fait les cris et proclamations accoustumées par les carefours de ladite ville de Saint Brieuc, sur peine de saisie de ce qu'il tient dudit seigneur évesque." (J. Lamare, histoire de la ville de Saint Brieuc - Guyon)

"De plus est tenu de fournir sergent pour appeler les causes de la dite juridiction, sçavoir, un par chacun ordinaire et deux aux jours des généraux plaids, sans que les dits sergents puissent faire autre employ de justice qu'appeler les causes de la dite juridiction et d'aller au-devant des juges du dit seigneur évesque jusqu'en leur demeurance pour leur faire faire place par les rues de la dite ville, toutes fois et quantes que les dits plaids généraux ou ordinaires tiennent, et les doivent conduire à l'audience et après icelle les reconduire en leurs maisons." (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, édition A. Prud'homme)

Ce droit de justice cependant ne cesse de reculer devant les empiètements de la justice ducale puis royale. Aussi l'application des sentences de la cour des régaires revenant au seigneur du Boisboissel, fut encore rappelée dans l'aveu de 1723 : " Lorqu'il y a aucun condamné de mort, par occision de membre, peine corporelle à effusion de sang par la cour des régaires de Saint-Brieuc, de faire prendre par ses officiers ou commis sans aucun autre moyen les condamnés, et les faire mener après la condamnation aux prisons d'iceluy seigneur de Boisbouexel, et de faire appeler et contraindre hommes et sujets de ladite ville et fauxbourgs à garder lesdits condamnés aux prisons, armés de batons de deffense, pendant le temps qu'ils seront en icelle prisons, et jusques à ce que ledit seigneur en ait fait faire exécution ". Lors des exécutions capitales, le seigneur du Boisboissel doit assurer la publicité nécessaire, sous forme de proclamations aux carrefours, et l'évêque doit fournir les instruments, qui sont essentiellement les quatre potences ou " fourches patibulaires ", qui trônent à l'entrée de la ville, en haur de la rue de Gouët, au lieu dit " la justice". (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

 

Les prétentions du seigneur de Boisboissel envers l'évêque

Avec le temps, le droit de haute justice semble avoir été remis en cause par l'évêque (l'auteur de ce site ne possède pas de renseignements à ce sujet), qui considère, il semble, le seigneur de Boisboissel comme étant juste chargé de l'appliquer, et non de l'exercer. Témoin ce texte: "L'évêque devait lutter contre les prétentions du seigneur de Boisboissel. Au nom de l'évêque, ce dernier exerce la haute justice, mais, son fief possédant seulement une moyenne justice par la suite, la tentation lui est grande de faire entrer la haute justice prévôtale dans son patrimoine. Comme la terre de Boisboissel donne droit de propriété à entre le tiers ou la moitié de la ville de Saint-Brieuc, de fréquents conflits de juridiction opposent les évêques et les sires du Boisboissel. Ils les opposent d'autant plus qu'ils prétendent être les fondateurs de la paroisse de Saint-Michel, seule paroisse de la ville" (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

Ainsi au XVème siècle, il y eut quelques différents entre les seigneurs de Boisboissel et leur évêque, ces premiers n'étant pas spontanément prêts à reconnaître l'autorité ni les droits de leur seigneur/évêque suzerain: Christophe de Penmarch fut opposé en 1479 à Jeanne du Rouvre et en 1493 à Rolland du Rouvre, seigneurs de Boisboissel, car la seigneurie de Boisboissel avait alors quitté la famille de Boisboissel. L'évêque de Saint-Brieuc avait par ailleurs à se garder des prétentions ducales et de celles du comte de Penthièvre dont les possessions entouraient les siennes, or les Boisboissel firent preuve d'une fidélité sans faille aux Penthièvre (Histoire de Saint Brieuc et du pays Briochin, édition Privat)

 

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